Le soleil s’était à peine levé qu’on pouvait déjà discerner une silhouette s’évader d’une fenêtre d’une chambre avec vue sur le baiou. Des écouteurs sur les oreilles, la silhouette courait comme si sa vie en dépendait, ne s’arrêtant que deux heures plus tard, une fois que ses muscles étaient assez endoloris pour oublier tout ce qui pouvait la faire souffrir. C’était devenu un rituel, sa dose quotidienne d’adrénaline pour se souvenir que son cœur était toujours en vie et qu’aussi ankylosé qu’il l’était, il continuait de battre malgré tout. Ces derniers temps, elle a le sentiment un peu étrange d’être comme extérieure à son corps, comme si elle était dans une salle de cinéma, assise au fond en train de regarder un film interminable, à attendre que quelque chose se passe, sans pouvoir pousser le personnage principal à sortir de sa torpeur pour agir enfin. Pourtant, elle continue de sourire à la vie. Elle essaye de la croquer à pleines dents, comme elle avait l’habitude de le faire, mais c’est plus difficile maintenant qu’elle se sait humaine, prompte à commettre les pires erreurs, apte à souffrir comme ces idiotes de romans qui tombent amoureuses. Elle, elle aurait bien aimé ne jamais tomber amoureuse. Elle aurait bien aimé se croire invincible encore quelques temps. Mais maintenant, elle sait. Elle n’est qu’une petite chose fragile, qui s’offre à des personnes prêtes à la briser avec un sourire en coin.

Perdue dans ses pensées, elle oublia qu'elle avait promis à Emrys de le rejoindre pour un chocolat chaud aujourd'hui. Se dépêchant de prendre une douche, elle enfila son jean favori, une blouse et ses bottines cloutés. Elle n'eut pas le temps de se sécher les cheveux et laissa ces derniers sécher à l'air libre.

Citation :

Commence pas à râler, je suis là dans 5 minutes.

Il était évident qu'elle ne serait jamais là dans 5 minutes. Il lui faudrait bien quinze minutes si elle avait de la chance, mais elle saurait se faire pardonner. Son sourire est son arme la plus fatale. Poussant la porte du café, elle remarqua très vite Emrys. Se laissant tomber sur le canapé à côté de lui, elle dépose ses lèvres sur sa joue et lui offre un sourire faussement innocent. Pendant les 15 minutes qui lui a fallu pour venir, elle a trouvé une excuse parfaite. « Je te jure que j'aurais pu être à l'heure. J'étais prête à partir et tout quand j'ai remarqué que l'eau coulait de l'appartement du voisin. Tu sais, le voisin canon qui refuse mes avances. Donc forcément, j'ai dû sonner chez lui. J'espérais bien le voir torse nu, tu vois, mais il était pas là. Donc j'ai dû appeler les pompiers. Et on ne peut pas appeler les pompiers et partir. Il fallait que je vois. Tu sais bien que les pompiers sont un de mes... » Elle arrêta de parler face au regard suspect que lui lança Emrys. Dans sa tête, son excuse paraissait beaucoup plus plausible. « Bon d'accord, j'ai été courir et j'ai pas vu l'heure passée. Mais pour me faire pardonner, je t'ai ramené des cookies. » Elle aurait dû être offusquée par le regard paniqué qu'il lui lança, lui, qui était capable de manger un sandwich tombé sur le sol, mais c'est vrai qu'elle était pas très douée en cuisine.« C'est ma coloc qui les a fait. » précisa-t-elle en roulant des yeux. Pour la forme.