Je n'étais pas prête à affronter cette journée, les récents évènements tournaient toujours dans ma tête à tel point que je rêvais que d'une chose, rester dans mon lit. J'étais à bout, je ne supportais plus de mentir à tout le monde. Je n'avais pas vu Timothy depuis un petit moment, il était tout le temps occupé et cette situation me faisait peur au plus haut point. J'avais été tenté à maintes reprises de lui téléphoner pour lui dire la vérité, mais j'avais trop peur de sa réaction, trop peur de ce qu'il allait penser de moi. C'est avec ces pensées négatives que je me dirigeais lentement vers la douche, mon seul moment de détente, sous l'eau chaude, avant d'affronter le monde extérieur. Je commençais les cours qu'en début d'après-midi, mais je préférais me lever tôt et profiter du campus que de rester toute la matinée avec ma belle-mère. En fin de compte, j'essayais de passer un maximum de temps hors de chez moi, et je remerciais le ciel d'avoir trouvé ce job au café pour ne pas rentrer directement le soir après les cours. Passer du temps avec Timothy me permettait d'oublier la raison de mon emménagement à Seattle, de ne plus penser au fait que je n'aurais plus une vraie vie de famille à présent. Il me manquait, mais je devais assumer mes actes. Emeric voulait que je lui dise la vérité, mais ce n'était que purement égoïste de ça part, il souhaitait juste ne plus être concerné par cette histoire. Je ne pouvais pas lui en vouloir, le pauvre était dans une situation gênante. Je ne savais pas ce que ressentait Timothy, et ça me bloquait, il y avait ces petits moments où j'avais l'impression que l'on partageait plus que de l'amitié, mais peut-être n'était-ce que mon impression. J'hésitais à prendre un risque, le perdre était inconcevable et penser au fait qu'il pourrait me rejeter à cause des sentiments que j'ai pour lui me donne des frissons. Une fois ma douche finie, je pris le temps de me préparer. Je prenais pas mal de temps le matin, entre le maquillage, la coiffure et les vêtements je passais plus d'une heure dans ma salle de bain. Ce n'était pas que pour mon plaisir, c'était essentiel pour mon travail après les cours, l'apparence avait une place importante pour ma bosse, même si je n'étais qu'une petite serveuse dans son grand café. C'est avec une robe courte, ma veste en cuir et une paire de botte que je quittais ma chambre. Je pouvais entendre mon père et ma belle mère discuter, c'est pourquoi je pris mon sac en sortant le plus silencieusement possible.

Il n'y avait pas beaucoup de personnes sur le campus à cette heure de la journée, généralement les étudiants préféraient dormir que de venir traîner ici avant les heures de cours. J'avais pour idée de m'installer dans l'herbe et sortir un bouquin pour tenter de m'évader un peu. Mais au loin, j'aperçus Emeric. Il était assis sur un muret et il semblait absorber par son téléphone. Étant donné la situation, je ne voulais pas trop le voir et c'était surement réciproque. J'étais gênée et je ne pouvais plus le regarder droit dans les yeux sans m'en vouloir. Faire semblant de ne pas l'avoir vu était la meilleure solution, autant pour lui que pour moi. Je voulais continuer mon chemin pour trouver un autre endroit, mais il était là. Timothy, qui sortait apparemment d'une discussion avec Raphael, était sur un des bancs. Il était tellement beau, il avait ce petit air que j'aimais tant voir sur son visage. Je ne savais pas quoi faire, je ne voulais pas qu'il pense que je l'évite, ce qui n'était pas le cas d'ailleurs. Je me dirigeais vers lui tout en essayent de paraître décontractée. « Hey, ça faisait longtemps. » Finalement, je ne pouvais pas cacher ma nervosité, surtout avec Emeric dans le coin. Je ne pouvais pas imaginer pire comme scénario. « Je suis désolée de te couper à cette heure-là, tu devais surement être en train de bosser. » dis-je précipitamment tout en fixant l'ordinateur. Depuis deux semaines, c'était la première occasion que j'avais pour lui parler un peu. Fallait-il que j'en profite pour lui parler de ces histoires qui me rongent depuis un moment ? J'étais debout devant lui, sans vraiment savoir sur quel ton se terminerait notre conversation. 

J'essayais, tant bien que mal, de faire extraction des bruits autour de nous. Au fond de moi, je craignais que Timothy me dise qu'il n'avait pas de temps à me consacrer, c'est ce qu'il avait fait pendant les deux dernières semaines. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser qu'il était peut-être au courant, et qu'il devait m'en vouloir sans pour autant me le montrer directement. Jusqu'à maintenant, je pensais que la confiance et l'honnêteté étaient deux traits importants dans les relations, mais c'était bien plus compliqué que ça. Je n'avais jamais agi comme ça, surtout pour un garçon. Timothy était le dernier garçon qui méritait ce genre de chose, que ça soit en amitié ou en amour, je devais vraiment être un monstre pour lui avoir fait ça. J'essayais de me raccrocher aux souvenirs de notre première rencontre, à ce moment-là, il était un ami potentiel, celui qui avait sauvé ma journée en me servant de guide dans cet immense labyrinthe. Tout aurait été plus simple si mes sentiments pour lui n'avaient pas évolués. Bien que figée devant lui, mon cerveau, lui, réfléchissait à une vitesse impressionnante. Je n'étais pas à l'aise, ce n'était pas comme d'habitude, ça devait être étrange pour lui. Je frottais nerveusement mes bottes contre l'herbe encore humide, tout en évitant soigneusement son magnifique regard. Timothy avait vu que je regardais Emeric, et je me doutais bien qu'il devait se poser quelques questions à propos de ma présence à ses côtés. Généralement, une fille amoureuse doit se précipiter vers son copain pour lui dire bonjour, moi, je vais vers un garçon qui croit n'être qu'un ami à mes yeux. Je venais de faire une petite erreur. Je me sentais rougir, ça pouvait être complètement stupide, mais je me sentais comme une gamine prise sur le fait. Timothy ne devait surement pas comprendre et je remerciais le ciel qu'il ne puisse pas avoir accès à mes pensées. J'aurais aimé être courageuse, m'asseoir, lui dire ce que je ressentais et lui présenter des excuses sincères pour ce que j'ai fait il y a deux semaines. C'était un cliché, mais au moins j'aurais été libre. Si les rôles avaient été inversés, je n'aurais pas pu supporter de le voir avec une fille, du moins en étant toujours une amie pour lui. C'était égoïste de ma part de penser ça, surtout dans mon cas.

Je décidais de faire comme-ci Emeric n'était pas là, je ne pouvais pas me concentrer sur les deux hommes et avoir une conversation avec lui en même temps. « Ça faisait un petit moment, oui. » avait-il répondu à ma question. Sa voix était douce et son petit sourire me faisait plaisir. Je lui en adressais un aussi en retour avant de lâcher un petit soupir de soulagement. Malgré ça, je n'arrivais pas à calmer ma voix, il savait de quelle façon je parlais en tant normal et ça ne me ressemblait pas, d'être autant sur les nerfs. « T'en fais pas pour ça, Raphaël m'avait déjà coupé dans mon travail. » Au moins, il ne m'écartait pas. Du moins c'est l'impression que j'avais. Je déposais mon sac sur le banc et pris place à ses côtés. « Oui je l'ai vu de loin, pas facile de le rater en même temps. » Je rigolais doucement, c'était discret mais chaleureux. Je rabattais nerveusement une mèche de cheveux derrière mon oreille, ma réponse avait laissé quelques secondes de silence avant qu'il ne prenne la parole. « Mais ton petit-copain ? Il t'attendait pas, par hasard ? » Je baissais directement la tête après sa question. Je devais très vite inventer une réponse qui ne ferait pas suspecte. « Euh... en fait non. Je crois qu'il ne m'a même pas vu donc... mais c'est pas grave, il a l'air super occupé avec son portable. » On pouvait sentir une pointe d'ironie dans ma voix, je ne savais pas s'il allait la prendre au sérieux, en tout cas il avait directement posé la question tant redoutée. Moi qui mentais très bien d'habitude, le ton de ma phrase laissait à désirer. D'un côté, j'étais fatiguée de mentir à tout le monde, surtout à ce pauvre Timothy. « Tu trouves pas que c'est devenu un peu bizarre ? Enfin je crois qu'on devrait en parler. » Les paroles étaient sorti toutes seules de ma bouche, encore une fois. Je ne savais pas quoi dire, devais-je lui parler seulement de la distance entre nous ? Ou devais-je lui dire la vérité ? J'en avais l'occasion. Je devrais vivre l'instant présent et voir ce qui allait se passer, en espérant que ça tourne en ma faveur pour une fois.