Robb avait tellement la tête dans les choux, qu'il avait mis sa chemise à l'envers. Il était sept heures trente passées, il n'avait dormi que deux heures et sa tête en disait long sur sa volonté de rester coucher plutôt que d'emmener une gamine de trois ans surexcitée à l'école. « Tonton, dépêche toi. On va être en retard ! » Robb ne cessait de se demander comment c'était possible d'avoir autant d'énergie dans un si petit corps. Et comment c'était possible de bouger autant et de prendre autant de place alors qu'on ne fait même pas un mètre de haut. En effet, Jody sautillait de partout. Elle était rentrée à l'école depuis seulement deux jours et pourtant, au lieu de pleurer pour y aller comme tous les enfants normaux, elle sautait partout et courait partout. Son but ? Arriver la première en classe et surtout, retrouver ses copines. La maîtresse l'avait qualifiée de meneuse. Très bien. Cependant, au niveau du leadership, Robb n'était pas vraiment encore prêt à assumer. « Ce que tu peux être lent dis-donc. » Elle se tenait devant son oncle, les bras croisés et en tapant du pied. Trois ans, et déjà des manières ? Robb soupira et attrapa ses chaussures et les clés de la voiture. Jody monta en vitesse et ils partirent en direction de l'école. Il n'y avait que dix minutes de route, heureusement, et la route était assez dégagée ce matin là. A peine garé, Jody avait déjà sauté hors de la voiture et foncé vers l'entrée de l'école. Trop petite pour déclencher l'ouverture automatique, elle essayait de sauter le plus haut possible pour se faire. Robb arriva avant qu'elle ne s'étale de tout son long sur le sol, prenant une impulsion pas vraiment contrôlé. Elle se dirigea alors rapidement vers la classe mais Robb l'interrompit. « T'oublies pas quelque chose, canaille ? » Jody souffla mais s'approcha de son oncle en traînant des pieds. Robb tendit la main et en deux en trois mouvements, ils se retrouvèrent tous les deux en train de faire un check assez long et marrant à regarder. Jody souriait et finit même par rire. Elle embrassa son oncle sur la joue et s'en alla direction sa classe. Robb la regarda partir et lorsqu'elle ne fut plus dans son champ de vision, il se tourna pour sortir et souffla un grand coup. Il allait enfin pouvoir se reposer. Mais bien sur, le temps maussade de la ville en décida autrement. Une énorme averse explosa et obligea Robb à rester sous le parvis de l'école. « Bon, je suis officiellement maudit. » Il avait parlé à voix haute, sans trop réfléchir. Et lorsque des yeux se posèrent sur lui, il se rendit compte qu'il n'était pas seul.

Tous les matins, c’était le même cirque. Chjara réglait son réveil à sept heures, pour pouvoir se préparer tranquillement pour emmener sa fille à l’école, mais l’horloge interne de sa fille en avait décidé autrement. Son réveil à elle était réglé sur six heures trente. Et impossible de la faire dormir ensuite. Alors, à moitié réveillée, la jeune fille s’aventura à aller chercher Ornella dans son lit, pour ensuite retourner dans le sien et tenter de se rendormir quelques précieuses minutes avec sa fille à ses côté. Quelle blague. La fillette entama quelques comptines qu’elle avait appris à l’école et finalement, Chjara céda et se leva à contrecœur. « Maman, j’ai soif. » Dépassée par une fillette de deux ans et demi, vous y croyez-vous ? La cuisine ressemblait à un champ de bataille, des céréales ornaient le sol, et les restes du petit-déjeuner d’Ornella s’éparpillaient de partout. Courant dans la cuisine et glissant sur une flaque de lait, Chjara se retrouva les jambes en l’air. « Fais chier. » Jetant un regard à sa fille, elle se rattrapa. « Non, merde. Euh. Zut. Les gros mots c’est pas bien chérie, il ne faut surtout pas parler comme maman, c’est pas joli. » La fillette resta stoïque quelques secondes puis partit dans un éclat de rire communicatif. Finalement, elle y était arrivée. Ornella habillée, coiffée et parée pour une journée d’école, avec goûter et tout dans le cartable. Chjara, elle, affublée d’un survêtement, et d’une queue de cheval brouillon. Bah oui, faut pas rêver non plus, elle arrive à préparer sa fille à temps mais après elle a plus le temps pour elle. Une fois, la petite fille blonde en classe, Chjara peut enfin souffler, et rentrer se préparer à son tour, pour aller travailler. De temps en temps, elle se dit que ce train de vie n’est vraiment pas ce à quoi elle s’attendait quand elle rêvait sa vie future autrefois, mais finalement, elle ne se voyait pas sans sa fille. Ouvrant la porte de sortie, et profitant de l’air frais, Chjara inspira en fermant les yeux, elle souffla bruyamment. « Bon, je suis officiellement maudit. » La jeune maman posa son regard sur l’homme qui avait parlé. Elle ne le connaissait que de vue, mais il lui semblait sympathique, et autant au bout du rouleau qu’elle. Relevant la main droite, elle lui montra son parapluie rose, et décorée de princesses en tout genre. « J’ai de quoi vous aider. Bon, il faut assumer, mais ça peut toujours dépanner. » Elle sourit à son interlocuteur comme par compassion, parce que les journées galères, elle connaissait bien aussi.

Robb, pas vraiment le genre de mec à se prendre la tête sur le temps qu'il fait, se retrouva coincé et sous la contrainte de rester sur le porche de l'école, en attendant que ça se calme. Il souffla, blasé de ce que la journée lui réservait. Il était fatigué, avait juste envie d'aller se coucher et pourtant, rien n'y faisait, il n'avait pas la foi de braver l'eau, la pluie, être mouillé. Bref, il n'avait juste pas envie de se retrouver sous l'eau, point barre. Alors qu'il se plaignait, il se rendit compte en entendant une voix, qu'il n'était pas seul. « J’ai de quoi vous aider. Bon, il faut assumer, mais ça peut toujours dépanner. » Robb regarda d'abord la jeune femme. Il la connaissait de vue. Du moins, il pensait. Son petit air enfantin était assez dur à oublier. Cependant, Robb n'était pas capable de mettre un nom sur la tête de la jeune femme. Il posa ensuite son regard sur l'engin qu'elle avait au dessus de sa tête et laissa échapper un petit rire. « Oh merci. Mais là, j'avoue que j'ai pas le courage de traverser, même avec un parapluie rose. » Le parapluie était si petit que la jeune femme elle-même n'était pas capable de tenir en dessous. Alors à deux, ça allait être un peu plus compliqué. « Vous .. T'es la maman d'Ornella non ? » Il avait hésité. Elle n'avait peut-être pas envie de parler, pas envie d'être tutoyer ... Robb n'en savait rien mais ils devaient avoir le même âge alors .. à quoi bon se prendre pour des grands ? Ils faisaient partie de cette génération de parents qui n'avaient pas forcément demandé à ce que ça arrive. Alors non, ils n'étaient pas encore adultes et sûrement pas prêts de l'être.

Spoiler:

Quand elle regardait autour d’elle, Chjara ne voyait pratiquement que des femmes dans la trentaine, quelques papas en costume qui déposent leur progéniture avant d’aller au bureau gagner un salaire plus que convenable pour nourrir toute la petite famille. Ces parents-là semblaient être programmés pour les enfants. Les mamans devaient sûrement regarder la météo la veille au soir pour être certaines que leurs enfants seront convenablement habillés le lendemain, elles devaient leur préparer un goûter sain et équilibré et tout ça, sans même se soucier d’une question de temps. Elle l’avait, puisque le papa était là. Chjara, elle, avait affublée Ornella d’une petite robe avec des collants et des ballerines, alors que la pluie ne cessait de tomber, elle lui avait donc enfilé un kaway par-dessus, pour qu’elle ne prenne pas froid. En guise de goûter, elle avait simplement attrapé un paquet de gâteau, le premier qui lui tomba sous la main dans le placard. Et maintenant, elle se rendit compte qu’elle avait même oublié de glisser le ticket de cantine dans son cartable. Bon, bah ça en fera toujours un de plus sur la longue liste des tickets oubliés. Quand elle se trouva au niveau du jeune homme à l’air blasé, elle reconnut sur son visage l’expression fatigué d’un jeune homme dépassé par une gamine de trois ans, puisqu’elle devait sûrement avoir la même expression à quelque chose près. « Oh merci. Mais là, j'avoue que j'ai pas le courage de traverser, même avec un parapluie rose. » La jeune femme observa le jeune homme en souriant, puis jeta un coup d’œil au parapluie de sa fille et souffla. Il avait raison, il valait mieux d’attendre un peu que la pluie se calme, ou bien elle serait trempée de la tête aux pieds, même avec le minuscule parapluie qu’elle avait. « Vous .. T'es la maman d'Ornella non ? » Chjara releva la tête vers lui et sourit légèrement. « Oui. » Elle lui tendit la main qu’elle avait de libre. « Je m’appelle Chjara. Et si je me trompe pas, tu es le papa de Jody.. ? » De temps en temps, elle se demandait si certaines personnes la cataloguaient comme la jeune maman qui galère, ou bien si d’autres personnes pensent qu’elle est la grande sœur. Mais lui n’avait pas du tout l’air comme ça. Il était assez jeune, bien qu’un peu plus âgé qu’elle et il lui semblait sympathique. Comme un pote de galères quoi.