Le ciel était clair sur Seattle. Il était quatorze heures et étonnement, des rayons de soleil arrivaient à se frayer un chemin parmi les nuages. L'hôpital était donc éclairé, ce qui donnait un vrai coup de pouce au moral. Depuis le toit, Lolly avait la plus belle vue de la ville. Du moins, du centre ville. Un petit bruit de fit entendre depuis la poche de sa blouse. Lolly attrapa son bipeur dans la poche de sa blouse et soupira, le devoir la rappelait. Jetant un dernier coup d'oeil à la vue, elle s'engagea dans l'escalier de secours pour redescendre à la réalité. On l'avait biper dans une chambre, au sixième étage. La trauma. Lolly n'était pas une grande fan de ce service, on tombait toujours sur des cas très grave et très déprimant. La jeune femme n'avait guerre le choix cependant. Elle entra dans la chambre, tombant nez à nez avec un titulaire qui quittait la pièce. Il lui tendit le dossier, avec insistance. « Occupez-vous de ce cas, s'il vous plait. » Le regard qui suivit voulait tout dire. A la fois, vite et bien. Mais avec un air d'inquiétude assez troublant. Lolly ne savait plus du tout quoi penser et elle se contenta d'ouvrir le dossier, sans encore jeter un coup d'oeil à la patiente. C'était écrit en gros, en rouge. On ne pouvait pas le louper : amnésie. Il était là, le trauma. La jeune femme, que Lolly regardait à présent, ne se souvenait de rien. De rien du tout. « Bonjour, mon nom est Lolly. Je vais m'occuper de vous. Enfin, je vais essayer. Comment vous sentez-vous ? » La jolie brune détestait ce genre de chose. Agir selon des principes, des formes. De son côté, elle préférait sa thérapie à elle. Mais bon, il fallait bien commencer quelque part. Lolly se rapprocha de la patiente, vérifiant toutes ses données vitales. Tout allait bien, son seul soucis avait l'air d'être l'amnésie. Après tout, tout oublier n'était pas facile. C'était une certitude. Lolly s'imagina, oubliant tout ce qu'elle avait vécu. Une partie d'elle pensa aux effets bénéfiques que ça aurait. Elle oublierait l’homicide, elle oublierait le mal qu'elle fait à sa famille. Tout partirait. Mais l'autre partie pensa que c'était lui enlever tout ce qui la rendait elle même aujourd'hui. Se tournant une nouvelle fois vers la patiente, Lolly mit les pieds dans le plat. « Bon alors, vous avez tout oublié ? » Au moins, les choses avanceraient comme ça.

Lorsque Charlie attrapa son sac à main, tout en quittant la buanderie, un long soufflement s’échappa. « Je pars Sloan. » De la cuisine, une voix d’homme s’éleva. « T’es sûre que tu veux pas que je t’accompagne ? » La jeune femme leva les yeux au ciel, exaspérée qu’on la couve plus qu’on ne le devrait. Elle savait que c’était parce qu’on tenait à elle, parce qu’on avait peur qu’elle se perde dans les rues de Seattle, et qu’elle ne se souvienne plus où elle habite. Mais elle n’était pas attardée non plus quoi. « Non, c’est bon. Je sais où est l’hôpital, je sais où on habite et je connais le chemin entre les deux. » Elle avait été plus sèche qu’elle ne l’aurait voulu, mais de temps à autre, elle aimerait que tout soit normal. Et ça, ça ne l’était définitivement pas. Se rendre à ces rendez-vous mensuels ne l’enchantait guère. C’était une sorte de contrôle, pour vérifier que sa mémoire n’avait pas de déficience encore plus importante, que l’hématome qu’elle avait eu ne réapparaisse pas, et puis surtout pour voir si elle n’avait pas eu d’amélioration, du genre si elle ne se souvenait pas quoi. Mais quelque part, Charlie ne savait pas si elle avait vraiment envie de se souvenir. Après tout, maintenant, elle était une nouvelle personne, cet accident faisait partie d’elle et elle devrait juste apprendre à vivre avec et à recommencer sa vie. Assise sur la longue chaise de cette pièce minuscule et toute blanche comme elle les déteste, Charlie attendait patiemment son médecin habituel. Le docteur Fitzgerald. Et à sa grande surprise, ce ne fut pas lui qui pénétra dans la pièce, mais une jeune femme qui lui paraissait avoir à peu près son âge. « Bonjour, mon nom est Lolly. Je vais m'occuper de vous. Enfin, je vais essayer. Comment vous sentez-vous ? » Surprise, la jeune femme ne répondit pas immédiatement. « Hm, bien. Je crois. C'est vous qui allez me le dire.. Où est le Dr Fitzgerald ? » Pas qu’elle soit comme ces vieilles dames qui ne veulent être soignées que par leur médecin traitant, c’est juste qu’elle n’avait pas prévu qu’on change ses habitudes. Tandis que la jeune femme s’affairait à observer le dossier médical de Charlie, cette dernière l’observait. « Bon alors, vous avez tout oublié ? » Cette question eut pour effet de poser une colle à Charlie. Bouche bée, elle observa Lolly, s’attendant à ce qu’elle s’exclame en priant Charlie de l’excuser pour cette gaffe, mais non, la question posée avait l’air tout à fait naturelle pour Lolly qui attendant apparemment une réponse. « Tout, non.. Mon dernier souvenir remonte à mes vingt ans. J’ai perdu sept ans de mémoire, et ma vie de femme mariée avec. Mais bon, on apprend à vivre avec ! » Se plaindre, Charlie détestait ça, sa famille et ses proches le faisaient déjà assez pour elle, et quelque part, le fait que Lolly ne prenne pas de pincettes avec elle lui plaisait.

Depuis qu'elle était interne, Lolly n'avait pas fait de prouesse extraordinaire au niveau médical. Mais par contre, au niveau du suivi des patients, la jeune brune avait un très bon niveau. Elle arrivait à les déstresser, à leur rendre leur joie de vivre et surtout à leur faire signer des opérations risquées. Les titulaires faisaient donc souvent appel à Lolly lorsqu'il s'agissait de parler avec le patient plus que de l’occulter. Et d'ailleurs, ça l'arrangeait bien. Du moins, pour l'instant. Certes, elle avait fait médecine pour aider les gens, mais sa façon à elle de le faire était telle qu'elle préférait parler avec les gens, les mettre devant le fait accompli plutôt que de tergiverser avec des mots qui n'ont aucun sens pour les patients. Leur expliquer que l'opération est risquée parce que le sang allait faire un tour dans une aorte et puis dans l'autre. Oui, ok. Ces mots là sont juste là pour les embrouiller. Avec sa façon, Lolly sait juste qu'elle aura gagné la confiance de ses patients. Même s'ils la traitent de tous les noms au début, ils finissent par vite changer d'avis et la demander dès qu'il y a une décision à prendre. La jolie brune a presque son fan club maintenant. « Hm, bien. Je crois. C'est vous qui allez me le dire.. Où est le Dr Fitzgerald ? » Lolly haussa les épaules, signe qu'elle n'en avait un peu que faire d'où était le médecin et surtout, qu'il n'était pas vraiment nécessaire dans cette procédure. Le but était juste de se rendre compte si l'amnésie avait avancé ou pas. Et ça, Lolly pouvait très bien le faire. D'ailleurs, elle avait déjà commencé. « Tout, non.. Mon dernier souvenir remonte à mes vingt ans. J’ai perdu sept ans de mémoire, et ma vie de femme mariée avec. Mais bon, on apprend à vivre avec ! » Lolly fit les gros yeux, signe qu'en effet, c'était quand même assez ... surprenant. Perdre une certaine partie de sa mémoire devait être encore plus dure que de tout perdre. On ne se souvenait pas de l'avancé qu'on avait fait. Retour à la case départ, d'un coup, comme ça. Lolly était choquée et levait les sourcils. Dans sa tête, elle imaginait vraiment la situation. Un blanc s'installa avant qu'elle ne réponde. « Ah ouais, c'est chaud quand même. » Lolly ne s'était pas gênée, une fois de plus. « Mais alors, le mec .. enfin votre mari. Vous ne le connaissez pas du tout ? » Lolly n'arrivait pas à mettre une image sur la scène. Elle aurait pu le connaître mais pas l'aimer du tout avant. Ou alors que carrément ce soit un parfait inconnu. La jeune brune était presque aussi perdu que la patiente, alors qu'elle n'avait aucune raison de l'être normalement.

L’attente ne faisait que la stresser un peu plus. Même si elle n’en disait rien, tous les mois, elle avait tellement peur qu’on lui annonce qu’une nouvelle opération soit nécessaire, qu’elle doive se retrouver à nouveau sur une table d’opération. Et s’il foirait ? Et si sa mémoire se perdait encore je ne sais-où. Ne rien se souvenir une fois ça va, mais sa plus grande peur était que tout cela ne s’aggrave. Son médecin savait tout ça, il connaissait ses peurs et ne cessait de la rassurer sur le sujet, chose qui réconfortait énormément la patiente. Alors quand la jeune femme encore inconnue pointa le bout de son nez, Charlie dût se contrôler pour ne pas fondre en larmes. Ouais bon, c’était peut-être exagéré mais elle avait peur. C’était légitime après tout. Et quand elle remarqua qu’en plus la jeune femme se fichait de toutes ses peurs, elle eut envie de prendre son sac à main et de s’en aller. Mais bon, après tout, elle n’allait pas faire sa diva, et peut-être qu’en fait, cette jeune femme était tout à fit compétente et que tout ça n’était que de la paranoïa. Quand Charlie expliqua son cas à l’interne, et que cette dernière fut étonnée par le cas Charlie Hillington, la jeune femme se sentit légèrement gênée et baissa le regard. « Ah ouais, c'est chaud quand même. Mais alors, le mec .. enfin votre mari. Vous ne le connaissez pas du tout ? » Et puis face à cette remarque à la fois déplacée mais tellement spontanée, Charlie ne put s’empêcher de rire. Elle releva le regard. « Si, mais c’est compliqué. En fait, mes souvenirs se sont effacés après mes vingt ans. Le dernier souvenir que j’arrive à me remémorer, c’est une journée avec ma meilleure amie, au bord d’un lac. Mais le problème, c’est que je suis marié avec le petit copain de ma sœur. Enfin, ce n’est plus son petit-ami, mais pour moi, c’est tout comme. Du coup, j’suis un peu perdue.. » Charlie avait pour habitude de se tordre les doigts, quand elle était stressée. Et parler de l’accident et de ses soit-disant souvenirs la mettait mal à l’aise. Mais bizarrement, ce sentiment de pitié qu’elle retrouvait dans le regard de tout son entourage se ne manifestait pas chez cette jeune interne, et de ce fait, le malaise de Charlie était beaucoup moins présent.