« Carte d'identité s'il vous plait ? » Prise de court, Jean en resta sans voix. La bouche grande ouverte comme un poisson, elle gobait l'air tout en faisant les grands yeux. Pour qui il se prenait ce videur du dimanche ? Vous savez qui je suis moi, monsieur le grand gaillard ? Son mètre-vingt ne l'empêchait pas de transpirer la confiance en soi. Une main sur la hanche, l'autre pointée à l'armoire à glace qui servait de videur du bar, la petite faisait la maligne. En même temps elle avait de quoi, ici, c'était chez elle. « Laisse-moi deviner, Paris Hilton ? » Outrée, elle n'eut cependant le temps de répliquer que deux agents de la sécurité débarquèrent de l'intérieur, se postant chacun d'un côté de la brune. « Aller maintenant tu vires la naine, c'est pas pour les enfants ici. » Elle se sentait légèrement oppressée, et carrément intimidée, mais ce fut de courte durée puisque quelques secondes plus tard, elle se faisait lâcher comme un sac à patates, trois rues plus loin. Elle fulminait, se faire jeter de son propre bar, non mais quel toupet ! Jean refusait cependant de terminer sa soirée sur un échec et appela son frère, Caleb, propriétaire du bar en question. Il allait entendre parler du pays ! Dis-moi caca, tu les choisis pour leur amabilité tes employés ? Ton abruti de nouveau videur refuse de me laisser entrer, viens lui casser les dents, j'ai soif moi. Le fait qu'elle n'ait pu rentrer car elle était mineure et donc illégale lui passait complètement au dessus de la tête, bonjour le sens des priorités. « J'arrive bouffone. » Et apparemment au dessus de la tête de son frère également, bonjour la famille. Elle se re dirigea tout naturellement vers l'entrée du bâtiment, avec toute la prestance dont elle pouvait faire preuve, et quelle ne fut pas sa surprise quand elle aperçut son Gabriel l'attendre, un sourire moqueur aux lèvres. Bah alors bébé, on a pas sa petite carte d'identité ? Ferme-la Gab. Les épaules hautes et le regard fier, elle défia le videur du regard en passant d'un pas assuré devant lui. Elle aurait voulu lui tirer la langue et lui crier "Alors c'est qui qui est rentréééée?" mais pour la maturité, on repassera. Quant à Gab, il ne méritait même pas un sourire.

Elle n'avait pas mit un pied dans la salle principale du bar qu'elle fit demi-tour et sauta sur son amoureux de toujours, jusque là sagement resté en retrait, pour lui faire un tendre bisou. Il est pas malin Caleb hein ? Il scruta un instant son visage, son regard plongé dans le sien, avant de rire à l'unisson. Il avait comprit qu'elle avait comprit le manège du frère qui lui n'avait clairement rien comprit à sa soeur. C'est main dans la main qu'ils franchirent les portes du bar, mais l'instant romantique fut rapidement écourté puisque Gab devait retourner travailler. Il était encore tôt, les groupes d'amis prenaient d'assaut les tables par dizaine et quelques danseurs hésitants osaient un petit mouvement de hanche sur la piste de danse, avant de se rabattre sur un verre supplémentaire. Amusée du spectacle, Jean s'installa confortablement sur l'un des tabourets hauts du bar, d'où elle avait une vue imprenable sur les déchets du vendredi soir et sur son mec. Pole position. Sans qu'elle n'ait à bouger le petit doigt, ce dernier lui servi une vodka limonade et disparu en un clin d'oeil. Ce mec était parfait.